Opinion: Travailler ensemble pour les oiseaux migrateurs et les hommes en Afrique et en Eurasie

Publié initialement par InDepth News

Une des grandes leçons apprises dans le contexte de la conservation de la nature est qu’une mesure politique ne peut être vraiment efficace que si les pays coopèrent pour prendre en main les problèmes communs.

Au sein du système de l’ONU, il est également reconnu que cette leçon s’applique aux différents programmes, conventions et accords mis en place au fil des ans.Le fait que chacun de ces organismes ait une place distincte et un rôle précis ne justifie pas une mentalité bunker. Grace à la synergie, la coopération et la collaboration, ils peuvent faire cause commune avec des alliés naturels et chercher des compromis avec ceux dont les agendas ne concordent pas forcement avec les leurs.

L’AEWA, l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie, est le parfait exemple d’une organisation qui incarne cette approche.

Affilié à la Convention sur les espèces migratrices, l’Accord est spécialisé dans les oiseaux d’eau qui utilisent les mêmes habitats et sont confrontés aux mêmes menaces le long de la voie de migration Afrique-Eurasie. Il a été négocié par des pays appartenant à différents continents, riches et pauvres, développés et en développement, dont les territoires s’étendent depuis les terres gelées du Nord, jusqu’aux zones tempérées et tropicales et au-delà de l’Équateur.

La coalition soutenant l’Accord inclut des gouvernements et quelques ONG ayant des perspectives diamétralement opposées – conservationnistes de BirdLife International et chasseurs du Conseil international de la Chasse et de la Conservation du Gibier (CIC). Il s’agit d’une force unie autour de l’utilisation durable, reconnaissant que la survie des espèces est primordiale et que pour celles menacées d’extinction, la chasse doit être restreinte ou même interdite.

L’AEWA contribue à de plus larges objectifs environnementaux tels que les Objectifs d’Aichi, adoptés dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, ainsi qu’au développement durable. On peut citer à titre d’exemple une initiative communautaire en Ouganda visant à protéger le Bec-en-sabot du Nil contre le braconnage – qui tout en faisant bénéficier les oiseaux des efforts de conservation, permet aussi à la communauté locale de profiter des revenus générés par l’écotourisme.

L’AEWA peut aider, par le biais du renforcement des capacités, du transfert des ressources financières, de l’expertise et des compétences disponibles en Europe, à faciliter la formation et le travail de conservation sur le terrain en Afrique. L’initiative africaine de l’AEWA vise à améliorer l’autonomie des pays, un élément de l’approche au niveau de la voie de migration qui reconnaît que les chances de survie des espèces sont beaucoup plus grandes lorsque les oiseaux et les habitats dont ils dépendent sont protégés tout au long de leurs itinéraires de migration. Ceux-ci peuvent s’étendre de l’Arctique, passer par l’Europe, traverser le bassin  méditerranéen et le Sahara, en direction de l’Afrique australe. Profitant de la coopération entre le Danemark, l’Allemagne et les Pays Bas, la mer des Wadden est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais tous les efforts déployés pour développer l’écotourisme dans la région et maintenir un habitat servant de lieu de halte à au moins dix millions d’oiseaux d’eau lors de leurs migrations annuelles seront vains si, le long de la voie de migration, d’autres sites clés, tels que l’Archipel des Bijagos, sont perdus.

Avec les espèces migratrices, la disparition ou la dégradation d’un seul site ou encore la protection inadéquate ou l’application insuffisante des lois dans un seul État de l’aire de répartition peuvent avoir des effets dévastateurs si l’intégrité de la chaîne est mise en péril et si les oiseaux ne peuvent pas achever leurs voyages.

Mais les oiseaux sont également menacés par des problèmes qui touchent la planète entière – le changement climatique ou la surpêche, par exemple. Quelques oiseaux peuvent s’adapter – les hivers plus chauds au Nord signifient que certains d’entre eux partent plus tard pour l’Afrique et reviennent plus tôt - mais ces bouleversements de l’ordre naturel font naître une nouvelle concurrence entre les espèces et on ignore si l’une d’elles gagnera aux dépens des autres ou si un nouvel équilibre pourra s’établir. Le changement climatique est susceptible d’être le moteur principal de la perte de la biodiversité et l’AEWA souhaite la mise en place de mesures d’atténuation. L’énergie renouvelable est une solution potentielle car elle devrait contribuer à réduire les quantités de combustibles fossiles consumés ainsi que les émissions des gaz à effet de serre. Mais cette énergie renouvelable n’est pas sans risque - un exemple étant les oiseaux entrant en collision avec les pales des turbines éoliennes et peu importe que l’énergie soit d’origine éolienne, solaire ou nucléaire, qu’elle soit produite à base de charbon, de gaz ou de pétrole, si des oiseaux sont électrocutés sur des lignes à haute tension piètrement conçues, insuffisamment isolées et mal situées. Des modifications simples et souvent peu coûteuses apportées aux infrastructures énergétiques, ainsi que la promulgation et la mise en application d’études d’impact environnemental qui tiennent compte des besoins de la faune sauvage peuvent contribuer à la réduction, voire à l’élimination du nombre d’oiseaux migrateurs et autres animaux victimes de ces dispositifs.

Le mois prochain, les yeux des médias du monde entier seront rivés sur Paris où des milliers de personnes se rassembleront pour parvenir à une entente sur les mesures à mettre en œuvre pour lutter contre le changement climatique. Mais en ce moment-même, des centaines d’ornithologues et de décideurs d’Eurasie et d’Afrique assistent à la 6ème session de la Réunion des Parties à l’AEWA, vingt ans après la conclusion du traité de cet Accord. Le moment est venu de se pencher sur l’évaluation des réalisations de ces deux dernières décennies, et toutes les Parties, d’un bout à l’autre de la voie de migration, identifieront leurs priorités au niveau de la coopération régionale en vue de la conservation des oiseaux d’eau migrateurs. C’est également le premier forum sur la biodiversité à se réunir depuis l’adoption des Objectifs de développement durable, forum qui déterminera comment l’AEWA contribuera à réaliser ces objectifs ainsi que ceux d’Aichi. Il s’agit de la meilleure synergie qui soit : la conservation et le développement durable allant de pair.

Par Jacques Trouvilliez, Secrétaire exécutif de l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA). [IDN-InDepthNews – 09 November 2015]

Last updated on 13 May 2016

Type: 
Op Ed
Country: 
Germany
Guinea-Bissau
Region: 
Africa
Asia
Europe
Threats: 
Unsustainable hunting and trapping
Habitat loss and degradation
Climate Change
Species group: 
Birds